Turner, h.1842, ól/lz, 91 x 122, Tate Gallery
Yves Bonnefoy (Tours, 1923-París,2016) sabe como Dante que la vida de Ulises no acaba en Ítaca.
Ulises pasa ante Ítaca
¿Qué son esos peñascos, esa arena? Son Ítaca.
Sabes que están allí la abeja y el olivo,
y la esposa leal y el viejo perro,
pero mira, el agua brilla negra bajo tu proa.
¡No, no mires más esta ribera!
Sólo es tu pobre reino. Tú no vas
a tender la mano a ese hombre que eres,
tú, que no tienes ya tristeza ni esperanza.
Pasa, defrauda.¡Que huya por tu izquierda!
Mira que para ti se ahonda ese otro mar,
la memoria que asedia al que quiere morir.
¡Sigue!Mantén el rumbo hacia la otra
ribera baja, allá. Donde en la espuma,
juega aún el niño que tú fuiste aquí.
Ulysse passe devant Ithaque//
Qu'es-ce que ces roches, ce sable? C'est Ithaque,/Tu sais qu'il y a là l'abeille et l'olivier/Et l'épousse fidèle et le vieux chien,/ Mais vois, l'eau brille noire sous ta proue.
Non, ne regarde plus cette rive! Ce n'est/Que ton pauvre royaume. Tu ne vas pas/Tendre ta main à l'homme que tu es,/Toi qui n'a plus chagrin ni espérance.
Passe, déçois. Qu'elle fuie à ta gauche! Voici/ Que se creuse pour toi cette autre mer,/ La mémoire qui hante qui veut mourir.
Va! Garde désormais le cap sur l'autre/Rive basse, là-bas! Où, dans l'écume,/Joue encore l'enfant que tu fus ici.
El árbol de la rue Descartes
Caminante,
mira este gran árbol y mira a través de él,
eso puede bastar.
Pues hasta roto y sucio, el árbol de las calles
es toda la naturaleza, todo el cielo,
el pájaro en él se posa, el viento se agita, el sol
dice allí la misma esperanza, a pesar de la muerte.
Filósofo,
ya que tienes la suerte de tener el árbol en tu calle,
tus pensamientos serán menos arduos, tus ojos más libres,
tus manos más deseosas de menos noche.
L'arbre de la rue Descartes
Passant,/Regarde ce gran arbre et à travers lui,/Il peut suffire.//Car même déchiré, souillé, l'arbre des rues,/C'est toute la nature, tout le ciel,/L'oiseau s'y pose, le vent y bouge, le soleil/ Y dit le même espoir, malgré la mort.//Philosophe,/ As-tu chance d'avoir l'arbre dans ta rue,/Tes pensées seront moins ardues, tes yeux plus libres,/Tes mains plus désireuses de moins nuit.
Sepulcro de L.B.Alberti
¿Soñó que esta fachada era su sepulcro?
Presintió el arpa en la piedra
y quiso que el sonido de estos arcos
se hiciera oro sin materia, poesía.
No cambies nada,
le decía a su maestro de obra, si no la muerte
destrozará los números, destruirás
"toda esta música", nuestra vida.
La fachada está sin terminar, como toda la vida,
pero sus números son niños que allí juegan, sencillos,
a ser el oro en el agua donde chapotean.
Se empujan, se dan golpes,
gritan se salpican de luz,
se separan riendo cuando la noche cae.
Tombeau de L.-B. Alberti
Rêva-t-il son tombeau cette façade?/Il pressentit la harpe dans la pierre/ Et voulut que le son de ces arcatures/ Se fit or sans matière, poésie.//Ne change rien,/Disait-il à son maitre d'oeuvre, sinon la mort/ Ravagera les nombres, tu détruiras/ "Toute cette musique", notre vie.//La façade est inachevée, comme tout vie,/Mais les nombres y sont enfants, qui y jouent, simples,/À être l'or dans l'eau où ils pataugent.//Ils se bousculent, ils se donnent des coups,/Ils crient, ils s'éclaboussent de lumière,/Ils se séparent en riant quand la nuit tombe.
Yves Bonnefoy, La larga cadena del ancla. Galaxia Gutenberg, 2016
DELFOS DEL SEGUNDO DÍA
DELPHES DU SECOND JOUR
AQUÍ la inquieta voz consiente amar
A la piedra simple.
A las losas que el tiempo domina y libera,
Al olivo cuya fuerza sabe a piedra seca.
El paso en su verdadero lugar. La inquieta voz
Dichosa bajo las rocas del silencio,
Y el infinito, el indefinido responso
De las sonajas, ribera o muerte.De ningún terror
Era tu abismo claro, Delfos del segundo día.
DELPHES DU SECOND JOUR
ICI l'inquiète voix consent d'aimer/ La pierre simple/Les dalles que le temps asservit et délivre,/L'olivier dont la force a goût de sèche pierre.//La pas dans son vrai lieu. L'inquiète voix/Hereuse sous les roches du silence,/Et l'infini, l'indéfini répons/Des sonailles, rivage ou mort. De nul effroi/Était ton gouffre, Delphes du second jour.
LA LUZ DE LA TARDE
LA LUMIERE DU SOIR
LA tarde,
Esos pájaros que se hablan, indefinidos,
Que se muerden, luz.
La mano que se ha movido en el costado vacío.
Desde hace mucho inmóviles.
Hablamos bajo.
Y el tiempo nos rodea como charcos de color.
LA LUMIERE DE SOIRLE soir,/ces oiseaux qui se parlent, indéfinis,/Qui se mordent, lumière./La main qui a bongé sur le flanc désert.//Nous sommes inmobiles depuis longtemps./Nous parlons bas./Et le temps reste autour de nous comme des flaques de couleur.
LA CASA NATAL
LA MAISON NATALE
XI
Y vuelvo a partir sobre un camino
Que sube y da vueltas, breñales, dunas
Sobre un ruido invisible aún, a veces
Con el don furtivo del cardo azul de las arenas.
Aquí, el tiempo se hunde, es ya
El agua eterna que se mueve en la espuma,
Pronto estoy a dos pasos de la orilla.
Y veo que un navío espera en alta mar,
Negro, como un candelabro de numerosas brazos
Que envuelven llamas y humos.
¿Qué vamos a hacer?, gritan de todas partes,
¿No hay que ayudar a los que allá arriba
Nos piden alcanzar la orilla? Sí,clama la sombra,
Y veo nadadores que, en la noche
Se mueven hacia el navío, sosteniendo
Con una mano sobre el agua agitada,
Lámparas, con largas banderolas de color.
La belleza misma,en su lugar de nacimiento,
Cuando no es todavía más que verdad.
XI
ET je repars, et c'est sur un chemin/Qui mont et tourne, bruyères, dunes/ Au-dessus d'un bruit encore invisible, avec parfois/ Le bien furtif du chardon bleu des sables./Ici, le temps se creuse à deux pas du rivage.//
Et je vois qu'un navire attend au large,/Noir, tel un candélabre à nombre de branches./Qu'enveloppent des flammes et des fumées./Qu'allons-nous faire? crie-t-on de toutes parts,/Ne faut-il pas aider ceux qui là-bas/Nous demandent rivage? Oui, clame l'ombre,/Et je vois des nageurs qui, dans la nuit,/Se portent vers lal navire, soutenant/D'une main au-dessus de l'eau agitée/Des lalmpes, aux longues banderoles de couleur./La beauté même, en son lieu de naissance,/Quand elle n'est encore que vérité.
À LA VOIX DE KATHLEEN FERRIER
TODA la dulzura, toda la ironía se juntaban
Para un adiós de cristal y de bruma,
Los golpes hondos del hierro eran casi silencio,
El fulgor de la espada se había velado.
Yo celebro la voz matizada de gris
Que duda en las distancias del canto perdido
Como si más allá de toda forma pura
Temblara otro canto más y el único absoluto.
¡Oh luz y nada de la luz, oh lágrimas
Sonrientes más allá de la esperanza o la pena!
¡Oh cisne, lugar real en la irreal agua oscura
¡Oh fuente, cuando fue profundamente de noche!
Parece que conoces las dos orillas,
La suprema dicha y el supremo dolor.
Allá, de entre esos juncos grises en la luz,
Parece que extraes lo eterno.
TOUTE donceur toute ironíe se rassemblaient/ Pour un adieu de cristal et de brume,/Les coups profonds du fer faisaient presque silence,/La lumière du glaive s'était voilée.//
Je célèbre la voix mèlée de couleur grise/ Qui hésite aux lointains du chant qui s'est perdu/ Comme si au-delà de toute forme pure/ Temblât un autre chant et le seul absolu.//
Ô lumière et néant de la lumierère,ô larmes/ Souriantes plus haut que l'angoisse ou l'espoir,/Ô cygne, lieu réel dans l'irréelle eau sombre,/Ô source, quand ce fut profondément le soir!//
Il semble que tu connaisses les deux rives,/ L' extrême joie et l'extrême douleur./ Là-bas, parmi ces roseaux gris dans la lumière,/Il semble que tu puises de l'eternel.
Yves Bonnefoy, Tarea de esperanza, antología.Pre-Textos,2007
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